Samita ASBL

L’histoire de Mae Chee Kaew

 

 

 

 

« Si tu négliges le développement de ta pleine conscience et sagesse innées et ne t’appliques que mollement à la pratique, les obstacles sur ton chemin vont se multiplier jusqu’au point où ils bloquent complètement la vue, et le but de la route restera pour toujours dans l’obscurité. »

Mae Chee Kaew (1901 – 1991)

 

Il y a beaucoup de grands moines dans la tradition thaïlandaise de la forêt, et quelques-uns d’entre eux sont regardés comme des arahants. Mais l’histoire de cette femme est bien moins connue que celles des moines! Et pourtant elle vaut bien être racontée—l’histoire d’une lutte difficile et de grandes réalisations.

Il y a deux ans, Barbara Yen a publié cet article sur la vie et la pratique spirituelle de Mae Chee Kaew dans la Thaïlande du 20ème siècle sur le site web de Gotami Vihara Society Malaysia (en anglais).

Il y a aussi un livre qui raconte son histoire, publié par Forest Dhamma Monastery (en anglais). (Sélectionnez « Mae Chee Kaew » dans la liste à gauche; vous pouvez télécharger le livre en différents formats.)

En effet, ce livre a un background un peu ambigu: En partie il a été publié pour montrer que l’ordination de bhikkhunī n’est pas nécessaire pour qu’une femme peut devenir un arahant.

Certes, Kaew n’était « qu' » une Mae Chee, et elle pratiquait bien et atteignait beaucoup; et il est vraiment inspirant de lire son histoire. Mais est-ce que ça justifie de refuser la pleine ordination aux femmes?

Premièrement: Il n’y a pas beaucoup de Mae Chees qui sont aussi fortunées que Mae Chee Kaew et peuvent trouver des conditions suffisamment favorables à leur pratique. Contrairement aux moines, les Mae Chees en Thaïlande doivent se financer elles-mêmes et ne reçoivent aucun soutien public. Si elles n’ont pas assez de fonds, elles doivent trouver un sponsor privé. Et à beaucoup d’endroits c’est leur devoir de faire la cuisine et le ménage pour les moines, et elles n’ont pas toujours la chance d’étudier et de pratiquer elles-mêmes.

Bhikkhu Anālayo décrit cette situation dans son article « The Four Assemblies and Theravāda Buddhism » (« Les quatre assemblées et le Bouddhisme Théravāda »):

« Il y a des traditions de moniales comparables au Myanmar, les thila shins, et au Sri Lanka, les dasasil mātās. Malgré certaines différences locales, celles-ci ont en commun avec les mae chis le problème fondamental d’être situées dans une position ambivalente entre les laïques et les monastiques. Il y a peu de doute que le manque de reconnaissance de leur statut monastique est un problème continu. Dans le sens inverse cela le rend très difficile pour elles de satisfaire les attentes exprimées dans le Mahāparinibbāna-sutta, comme cité avant » (Citation en question: « Ce passage clarifie sans ambiguïté que le fait que les bhikkhus aussi bien que les bhikkhunīs et les laïques des deux sexes soient sages et bien formés, et qu’ils aient de la confiance en soi, était une base essentielle de la mission du Bouddha à enseigner le Dharma. »)

Et deuxièmement: La question s’il y a des bhikkhunīs ou non dans un pays comme la Thaïlande où n’importe où dans le monde a aussi une grande importance pour d’autres femmes. Cela est devenu encore plus évident pour moi quand j’ai entendu une histoire qu’Ayya Tathaaloka rapportait dans une conférence qu’elle donnait au Sri Lanka récemment, faisant référence à Mae Chee Kaew sans mentionner son nom:

« Lorsque j’y [en Thaïlande] étais pour la première fois, la plupart des monastiques, les Vénérables Bhikkhus, et aussi des laïques, les upāsakas et upāsikas, n’avaient jamais vu ou rencontré une Bhikkhunī avant. … tant de gens des villages qui jamais dans leur vie n’avaient vu une Bhikkhunī, tant de femmes qui n’avaient jamais eu la chance d’offrir quelque chose personnellement de leur propre main à un membre pleinement ordonné dans le Sangha du Bouddha. Dans la société thaïlandaise il est considéré très méritoire d’offrir quelque chose directement de sa propre main, mais aucune femme n’a le droit de faire cela à un Bhikkhu. Mais elles comprenaient très vite: À une Bhikkhunī elles peuvent le faire. Il y avait des femmes jeunes et âgées qui venaient en pleurs pour leur première occasion à offrir quelque chose de leur propre main avec le sentiment que ça soit une offre tout à fait légitime. … Vous pourriez dire: Mais la Thaïlande a beaucoup de moniales vêtues en blanc—pourquoi les gens se sentent-ils comme ça? Pour eux, ça faisait une grande différence. Mêmes si parfois quelques-unes des moniales sont tellement dédiées et vertueuses, et même si … le très Vénérable Luang Por Maha Boowa … disait qu’une de ses disciples soit devenue une Bhikkhunī-arahant, vêtue en blanc. Et même si les gens construisaient une stupa pour elle, même si elle était devenue un arahant, ils n’avaient pas le sentiment qu’elle soit tout à fait légitime. Parce qu’elle ne pouvait pas être ordonnée pleinement, ou acceptée pleinement—upasampada signifie être pleinement accepté dans le Sangha. C’était cette sorte d’altération qui existait dans le Bouddhisme Théravāda à cette époque. Je pense que nous devrions être capable de montrer notre respect à un arahant de tout notre cœur, sans aucun doute. »

Et voici un autre aspect que la présence de Bhikkhunīs peut avoir dans une société, mentionné par Bhante Sujato dans ce fil de discussion sur le forum de discussion de SuttaCentral, « Discuss & Discover »:

« Il y a un rapport d’une conversation très franche parmi des moines supérieurs à Bangkok concernant l’ordination, et cela montre une des difficultés principales. Ils exprimaient le problème que, ayant deux fois le nombre de prostituées en Thaïlande que de moines, si l’ordination de bhikkhunī soit disponible, ces femmes et filles réaliseraient vite qu’elles auraient d’autres options, et beaucoup d’entre elles joindraient le Sangha.

Cela signifierait que très probablement il y aurait bientôt plus de moniales que de moines en Thaïlande; et ils montraient d’un doigt d’attention vers la situation ici au Taiwan comme un exemple qu’est-ce qui peut arriver si les choses échappent au contrôle, avec quatre fois le nombre de moniales que de moines.

L’idée qu’il peut être une bonne chose pour des femmes d’avoir d’autres options que la prostitution n’était pas part de la conversation. »

Jouissez de la lecture de l’histoire de Mae Chee Kaew et en laissez-vous inspirer, et n’oubliez pas que nous avons besoin des Quatre Assemblés pour que le Bouddhisme soit complet!

(Sabbamitta)